Le Maghreb : une promesse, une espérance, une tragédie

Aussi loin que la mémoire de mon engagement anticolonial me porte la dimension maghrébine a été très forte dans mon cheminement.

Avec mes camarades nationalistes et patriotes, nos choix fondateurs ont été marques et impulses par l’assassinat du syndicaliste Tunisien Ferhat Hachad, le compagnonnage arme avec le Front de Libération Nationale algérien, la réaction outrée unanime contre le défi français de l’enlèvement des leaders algériens, la solidarité avec nos frères mauritaniens avec pour référence fondatrice l’épopée d’Abdelkrim El Khattabi lors de la « Guerre du Rif » dans les années 1920.

Même si nous avions choisi, les frères tunisiens et nous d’accepter l’indépendance tronquée qui était offerte par le Protectorat franco-espagnol alors que le combat de nos frères algériens prenait une tournure aussi violente que tragique, nous avons continué à fournir le soutien d’une base arrière précieuse aux patriotes algériens.

La promesse d’un Maghreb unifié

Nous avons cru et croyons depuis plus de sept décennies en la promesse maghrébine. Les déclarations puis les programmes socio-économiques adoptes par nos premiers gouvernements d’après l’indépendance (notamment celui présidé par Abdellah Ibrahim) étaient construits autour de l’option maghrébine et la complémentarité entre nos pays.

Nous avons porte et portons cette espérance pour relever nos défis de pays jeunes aspirant au développement et à l’édification d’États modernes.

Moi-même, j’ai gardé des liens très forts avec l’Algérie, en tant que résident pendant une partie de mon exil. J’ai surtout noue et fructifie des rapports suivis très riches avec beaucoup d’intellectuels et d’activistes maghrébins. Lesquels, contribuent à la réflexion et aux publications du Centre d’Études et de Recherches Mohamed Bensaid Aït Idder (CERM). Nous n’avons pas attendu les analyses qui vont mettre en lumière les opportunités et les points du produit intérieur brut maghrébin perdus par nos pays faute d’un minimum de Maghreb.

Le conflit du Sahara met à l’écart les rêves d’un

C’est pourquoi, je suis triste que le projet maghrébin soit aussi peu défendu. Il est même menace d’être enterré avec la montée des tensions entre ses pays et particulièrement entre le Maroc et l’Algérie.

Je crois que le dossier du Sahara n’est en fait qu’un alibi pour éloigner cette aspiration maghrébine fondamentale très forte chez nos compatriotes.

Le projet maghrébin souffre actuellement de la démission des intellectuels des pays du Maghreb et de leur désengagement par rapport à cette promesse — espérance, un engagement malgré les vicissitudes qu’ont connu les relations entre nos pays pendant des décennies.

Il faut saluer, ici, la tentative de mise sur pied de l’Union du Maghreb Arabe malgré l’affaire du Sahara, la persistance de l’ouverture des frontières jusqu’à leur fermeture ces dernières années.

En tant que CERM, nous avons pris le taureau par les cornes en préparant un colloque international sur le dossier du Sahara auquel nous avons invite toutes les parties concernées.

Nous avions fait le choix de dialoguer et de confronter les points de vue des uns et des autres en espérant que le débat n’en sera que plus riche, plus fécond et plus ouvert pour que des maghrébins dialoguent avec d’autres maghrébins pour relancer notre rêve maghrébin.

Cette occasion n’a pas abouti, mais nous avons publié les contributions reçues de beaucoup de personnalités maghrébines qui s’estiment engagées pour concrétiser cette espérance nécessaire pour prévenir que le non-Maghreb ne se métamorphose en tragédie et n’aggrave les maux de la dépendance et du sous-développement de nos pays et de notre région et n’obscurcisse l’horizon pour nos jeunes et les générations futures.

Les intellectuels doivent entretenir le rêve de l’unité

J’ai de l’espoir. Je suis convaincu qu’une approche indépendante et collective d’intellectuels maghrébins sans exclusive et dans le respect mutuel et la franchise reste la meilleure option pour dépasser les blocages actuels.

En préalable, la responsabilité des intellectuels et des médias maghrébins est fondamentale pour arrêter la grave dérive dans la scène médiatique qui prend des dimensions préoccupantes inédites dans les échangés scientifiques et artistiques.

Le débat que nous espérons doit nous permettre, sans préalable de:

  • nous affranchir du legs colonial.
  • considérer les frontières comme autant d’opportunités de coopération et de développement et non des barrières.
  • se focaliser sur ce qui réunit et non ce qui sépare.
  • repartir l’investissement dans l’espace maghrébin et le diversifier.
  • multiplier et diversifier les opportunités de coopération bénéfique et constructive dans les domaines de la culture, des arts, des sports et de la communication et des sciences.


Le vrai enjeu sera alors de savoir comment faire du grand Sahara un pont pour bâtir une véritable coopérative inter-maghrébine d’abord, puis entre le Maghreb et d’autres pays d’Afrique, ainsi qu’avec l’Europe, l’orient et le reste du monde.

L’approche que nous proposons est aussi simple que responsable. Parmi les éléments proposes dans le cadre d’une entreprise plurielle et autonome des pouvoirs politiques en place dans nos pays :

  • Entreprendre un plaidoyer pluriel commun pour arrêter de manifester systématiquement nos différends sur la scène régionale et internationale ainsi que la surenchère médiatique actuelle en facilitant les échangés culturels, scientifiques, sportifs entre nos pays.
  • Encourager la recherche historique, notamment, celle des scientifiques originaires des anciennes puissances coloniales et leurs archives sur la genèse des problèmes qui ont impacte nos pays et notre région.
  • Organiser, promouvoir et accueillir les recherches maghrébines sur notre histoire récente : les différentes voies d’émancipation du colonialisme et notamment la voie algérienne et celles tunisienne et marocaine, la guerre des sables de 1963, l’émergence du Polisario et les options socio-économiques.
  • La consécration commune des symboles nationaux : l’Émir Abdelkader, Abdelkrim El Khattabi, Omar El Mokhtar, Hormat Ould Babana, Mohammed V, Aboulkassem Chabbi, Morsli, Aouita, le Raï, l’Allaoui, la Aïta.
  • Faciliter les échangés d’expériences sur la dimension amazigh.
  • Multiplier les initiatives citoyennes dans la diaspora maghrébine.
  • Engager la réflexion partagée sur les problèmes migratoires et la dimension africaine et arabe.


Autant, je suis triste des occasions perdues autant je garde vive notre espérance maghrébine et désire plus que tout une plus grande implication de notre jeunesse dans ce chantier plus que stratégique.

Mohamed Bensaid Aït Idder
Citoyen maghrébin du Maroc

Mohamed Bensaid Aït Idder est un leader nationaliste légendaire qui a été l’un des fondateurs de l’Armée de libération marocaine qui a lutté contre la domination coloniale française et espagnole au Maroc. En 1963, il a été condamné à mort par contumace et a vécu de nombreuses années en exil. Il reste une figure emblématique de l’opposition de gauche marocaine.

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